Après 18 mois de crise sanitaire, le gouvernement affranchit les établissements de santé d’économies trop brutales et finalise les réformes structurelles laissées en jachère

Le gouvernement a présenté les grandes lignes du budget de la Sécurité sociale pour 2022

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PFLSS) pour 2022 présenté  prévoit un déficit de 21,6 milliards d’euros en 2022 (contre – 34,6 milliards en 2021 et -38,7 milliards en 2020). Le texte, qui fixe pour l’année prochaine des objectifs de dépenses dynamiques pour les soins de ville comme pour l’hôpital, est examiné le 6 octobre en conseil des ministres avant lecture à l’Assemblée nationale à partir du 12 octobre.

La constitution du dernier budget de la Sécurité sociale d’un quinquennat est toujours un pari pour l’équipe en place. A sept mois de la présidentielle, l’enjeu est double : donner d’ultimes gages aux acteurs de santé sans tomber dans le clientélisme ostentatoire ; finaliser la réforme du paysage sanitaire sans cliver inutilement parlement et partenaires sociaux.

Après 18 mois de pandémie, c’est un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 hors normes que le gouvernement a présenté vendredi dernier.

Pour l’année prochaine, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (l’Ondam, outil de régulation annuelle qui augmente en moyenne de 2 % à 2,5 % par an) affiche pour la première fois un recul (236,3 milliards d’euros de dépenses contre 237,1 milliards en 2021), qui, en réalité, n’en est pas vraiment un. Car c’est le résultat de provisions consacrées à la Covid qui ont été revues à la baisse (4,9 milliards d’euros pour les vaccins et les tests, trois fois moins qu’en 2021), l’épidémie refluant depuis la fin de l’été grâce à la vaccination.

Revalorisations. Budget de «  sortie de crise  » pensé pour «  réarmer le système de santé  », le texte épargne totalement les établissements de santé, qui jouissent d’une enveloppe budgétaire en forte croissance (+ 2,7 %, 95,3 milliards d’euros de dépenses). «  Pour la première année depuis des lustres, aucune économie n’est imposée à l’hôpital, là où chaque année, l’Ondam hospitalier intégrait 700 millions à 1 milliard d’euros de mise sous tension  », a insisté le ministre de la Santé Olivier Véran.

Les dernières mesures des accords du Ségur de la Santé, signés en juillet 2020 par le gouvernement et une partie des syndicats hospitaliers, trouvent leur traduction dans ce PLFSS à hauteur de deux milliards d’euros. Cette manne est essentiellement ventilée sous la forme de revalorisations salariales à l’hôpital (catégories C, aides-soignants, sages-femmes, praticiens contractuels), d’une reconnaissance des fonctions managériales et des carrières hospitalo-universitaires des médecins, du déploiement de l’intéressement collectif à l’hôpital et de l’extension d’une partie du package au médico-social.

Près d’un milliard d’euros consacré à l’investissement, que ce soit pour des gros (financement de nouveaux bâtiments) ou des petits projets (réfection d’une chaufferie, aménagement d’une salle de repos), s’ajoutent à ce joli paquet-cadeau pour 2022.

De son côté, le monde des Ehpad et du domicile retrouve dans ce PLFSS une partie des mesures qu’il espérait dans une loi sur le grand âge et l’autonomie. 14,3 milliards d’euros de dépenses sont sanctuarisés pour le médico-social en 2022. 400 millions d’euros iront abonder la cinquième branche de la Sécurité sociale. L’objectif est toujours le même : dynamiser un secteur qui peine à recruter alors qu’un Français sur six aura plus de 75 ans en 2050 (un sur dix aujourd’hui).

Dans cette enveloppe, 240 millions d’euros sont alloués à la «  consolidation  » du financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) «  par l’instauration au 1er janvier 2022 d’un tarif plancher national de 22 euros par heure pour leur solvabilisation par les départements, à la fois pour les services habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale et ceux non habilités  », indique l’avant-projet de loi, que l’Opinion s’est procuré.

L’article prévoit également de revaloriser les soins infirmiers à domicile et de généraliser via un financement des agences régionales de santé le modèle des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD) intégrés, dont l’expérimentation prend fin en 2021.

Recrutements. Le PLFSS octroie également des moyens (50 millions d’euros en 2022) pour accroître le personnel médical et infirmier dans les maisons de retraite, ce qui n’est pas un luxe. Le recrutement de 10 000 équivalents temps plein supplémentaires (infirmiers, aides-soignants, encadrants, professionnels spécialisés) est financé jusqu’en 2025, précise le gouvernement.

Secteur à qui le gouvernement hésite rarement à réclamer des efforts, le médicament bénéficie d’un peu de répit depuis l’annonce, le 29 juin, par Emmanuel Macron d’un plan d’investissement de 7 milliards d’euros (d’ici 2030) pour encourager l’innovation en santé. Même si 1,2 milliard d’euros d’économies est tout de même prévu l’année prochaine, les dépenses sur ce poste devraient en parallèle augmenter d’un milliard d’euros.

Quid, enfin, de la médecine de ville, dont les dépenses sont financées à hauteur de 102,1 milliards d’euros (avec un Ondam à 2,7 %, comme l’hôpital) ? Ni (gros) coup de rabot ni grand soir ne sont prévus. «  L’effort pour les établissements de santé est légitime mais celui pour la médecine de ville est insuffisant, regrette le docteur Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français. Les Français ont des difficultés à trouver un médecin traitant et à accéder à des soins de spécialistes. Il aurait fallu doter la ville d’un grand plan d’investissement, à l’instar de l’hôpital.  »

En réalité, l’exécutif remise une partie des réformes à l’arrêt ou déployées à titre expérimental, comme le service d’accès aux soins, nouvelle plateforme de gestion des appels urgents et des demandes de soins non programmés. Promis par le gouvernement pour éviter de polluer les urgences hospitalières, le dispositif repose sur une régulation des appels par le Samu et des gardes assurées par les médecins libéraux, dont la rémunération a été négociée entre les syndicats et l’assurance-maladie en juillet 2021.

Timidité. On retrouve également dans ce budget la télésurveillance médicale (interprétation par un médecin à distance des données nécessaires au suivi d’un patient), que l’assurance-maladie doit rembourser à 100 % à partir du 1er janvier 2022. Pour l’instant, ce type de suivi est cantonné au diabète, aux insuffisances cardiaques, rénales et respiratoires ainsi qu’aux patients porteurs de prothèses cardiaques implantables.

Aucune mesure nouvelle n’est prévue pour favoriser l’installation des jeunes médecins. Au chapitre de la délégation de certaines tâches à d’autres professionnels pour dégager du temps médical, les propositions restent timides (réalisation de bilan visuel et prescription de lunettes ou de lentilles par l’orthoptiste sans passage par l’ophtalmologiste, autorisation sous condition du renouvellement d’ordonnance par les kinés). Il faudra attendre les amendements déposés lors du débat parlementaire pour voir les lignes bouger.