Le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, a expliqué dimanche soir que l’émergence des variants du virus changeait la donne, et que la semaine serait « critique ». Pour freiner l’épidémie, il a suggéré d’adapter les vacances, en regroupant les zones et en ajoutant une semaine.

Jean-Francois Delfraissy.

« C’est au politique de décider. Nous sommes dans une semaine critique. » Non, on n’arrachera pas à Jean-François Delfraissy une déclaration sur la nécessité de reconfiner immédiatement le pays . Le président du Conseil scientifique, qui s’exprimait dimanche soir sur BFMTV, ne veut pas agacer le gouvernement, qui est sous pression. Le scientifique a même insisté sur le fait qu’ un troisième confinement serait « une forme d’échec, mais pas un échec politique, c’est un échec que nous donne à tous le virus ».

Mais le ton alarmiste de ce grand médecin n’a cependant pas laissé de doute sur le fond de sa pensée : il faut agir vite et fort pour contrecarrer l’expansion des variants du virus. « Si nous continuons sans rien faire de plus, nous serons dans une situation extrêmement difficile dès la mi-mars », a-t-il alerté, persuadé que « les variants sont en train de changer la donne depuis trois semaines ».

L’organisation du troisième confinement tourne au casse-tête

De 7 % à 9 % de variant britannique en région parisienne

Ces mutants qui émergent partout où la pandémie flambe présentent la particularité de se transmettre encore plus facilement que le virus d’origine. Le variant britannique gagne rapidement du terrain en Europe. Selon Jean-François Delfraissy, alors qu’il représentait moins de 2 % des nouveaux cas le 8 janvier, il aurait atteint de 7 % à 9 % en région parisienne. « Si on continue, il y aura 12 %, 14 %, 15 % de variant britannique dans les semaines qui viennent », a-t-il prévenu.

Le variant sud-africain est « déjà peut-être autour de 1 % » de pénétration en France, et une étude américaine montre qu’il pourrait réduire de 40 % l’efficacité du vaccin. Quant au brésilien, il est à nos portes, via la Guyane, et même notre voisin portugais, qui échange beaucoup avec le Brésil.

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Pour le président du Conseil scientifique, on ne peut pas se contenter de gérer la crise sanitaire en fonction du nombre de contaminations, bien plus bas qu’avant le deuxième confinement. Si la France est dans une situation épidémiologique enviable en Europe, c’est « une fausse sécurité », qui « ne va pas pouvoir perdurer »« C’est l’équivalent d’une deuxième pandémie, ce variant [britannique] », a-t-il prophétisé, en appelant à « changer nos logiciels ».

Alors que les vacances de février débutent le 6, il a suggéré de regrouper les trois zones, afin que tous les écoliers quittent l’école simultanément, et d’allonger ces congés d’une semaine. L’idée serait d’avoir « en parallèle une forme de confinement », « plus des vacances qui réduisent la présence à l’école », afin de donner un coup d’arrêt à la diffusion de l’épidémie.

6 à 8 millions de vaccinés mi-avril

Dans la course contre les variants, « on a une capacité vaccinale limitée », « car on n’a pas les vaccins », a-t-il pointé – l’industrie pharmaceutique ne parvenant pas à assurer la production de masse attendue. Ainsi, il n’y aura, selon lui, que 6 à 8 millions de Français vaccinés à la mi-avril, alors que le ministre de la Santé, Olivier Véran, évoquait jeudi un potentiel de 9 millions fin mars et 20 millions fin avril. Fin avril, avec les beaux jours, Jean-François Delfraissy pense que la circulation du virus pourrait décélérer, mais d’ici là, il y a « trois mois critiques » où il faudra freiner le galop des variants.

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Espacer le rappel de vaccin de six semaines au lieu de trois , en suivant la Haute Autorité de santé, « c’est bof-bof », a jugé le scientifique. D’un côté, « c’est le bon sens », puisque la première dose offre une réponse immunitaire assez forte et qu’on peut profiter des doses libérées par le décalage de la deuxième injection pour multiplier les premières injections. De l’autre côté, « le gain n’est pas si important », car après avoir tiré cette cartouche on risque de se retrouver « dans une situation difficile » fin avril. De plus, la réduction de sensibilité du variant sud-africain devrait inciter à la prudence.

Un message d’espoir toutefois, dans ce tableau très noir : BioNTech et Moderna sont déjà en train d’adapter leurs vaccins aux nouveaux variants. Deux méthodes sont à l’étude, selon Jean-François Delfraissy : soit éditer un nouvel ARN messager, soit introduire trois ARN messagers dans la même capsule vaccinale, ciblant le virus standard et deux variants dominants dans cette région du monde.